Criminologie, v. 56, no 1
Les droits, la parole et les besoins des jeunes placés au Québec
Ce numéro spécial vise à rendre visibles, par une variété de méthodologies et de thèmes, sur le plan national et international, la place des jeunes et leurs expériences dans les systèmes de protection et de justice juvénile. Les articles présentés dans ce numéro traitent ainsi des enjeux de la protection de la jeunesse et de justice juvénile en redonnant une place aux adolescents et adolescentes ou jeunes adultes, âgés de 12 à 35 ans, qui font ou ont fait l’objet d’un placement ou de mesures probatoires. Une attention est également portée à la prise en compte dans l’intervention de leurs différents besoins en fonction de leur réalité personnelle, sociale et culturelle, notamment en appliquant des principes d’équité, de diversité et d’inclusion.
L’ensemble des articles s’inscrit dans la thématique des droits, de la parole et des besoins des jeunes. Ils s’articulent plus particulièrement autour de trois aspects : 1) la préparation des jeunes à deux étapes significatives de leur parcours, soit sur le plan judiciaire ou préplacement, et aussi sur le plan postplacement ; 2) leurs expériences de placement ; 3) l’adaptation des services et des politiques.
La première section du numéro présente quatre articles qui soulèvent des réflexions quant à l’accès aux droits et à la parole des jeunes, en mettant notamment en avant l’importance de la préparation, aussi bien au début du processus judiciaire (Gadoua et al. ; Niang et al.) que lors du postplacement (Lacroix et al. ; Melendro et Gómez-Aparicio). Suivant le point de vue de jeunes judiciarisés sur le plan pénal sur leurs interactions avec les juges de la Chambre de la jeunesse au Québec, Niang et al. soulignent la pertinence de privilégier la création d’un espace de dialogue avec les jeunes, des relations de qualité ainsi que leur préparation à l’audience comme levier de participation à la décision. L’article de Gadoua et al. offre un éclairage complémentaire relativement à la préparation des témoins et met en évidence les apports d’un programme de préparation des mineurs dans la réduction des craintes de témoigner devant la cour. Une perspective internationale est apportée au numéro avec l’article de Melendro et Gómez-Aparicio qui traite de la préparation des jeunes dans le contexte de leur transition vers la vie adulte. En Introduction 8 criminologie, vol. 5 6 n o 1 présentant quatre projets de recherche, les auteurs dressent les constats et les défis de la transition des jeunes des systèmes de protection de l’enfance et de l’adolescence à Madrid, en Espagne, tout en offrant des pistes de réflexion intéressantes sur les leviers permettant de parvenir à une transition réussie. L’article de Lacroix et al. poursuit ces réflexions en témoignant des apports de l’engagement autonome des jeunes dans la mobilisation de quatre types de ressources qui agissent comme des facilitateurs dans la transition vers la vie adulte.
La deuxième section permet d’aller au-delà des réflexions liées à la préparation des jeunes pour mettre en lumière leurs expériences durant le processus d’intervention. Le premier article, de Gauthier-Davies et al., discute de l’instabilité des trajectoires de services au moyen de l’exploration des liens entre le nombre d’intervenants qui assurent le suivi des jeunes et le niveau de satisfaction de ces derniers au regard des services offerts. Dans le cadre d’une recherche menée auprès de jeunes dits « sous double mandat », Dumollard s’interroge sur la continuité de l’intervention sous le prisme de l’articulation entre les suivis au sein des systèmes de protection de la jeunesse et de justice pénale juvénile. L’article de Marcotte et al. aborde les traumatismes vécus par des jeunes ayant eu une expérience de placement, notamment dans leur construction identitaire, tout en documentant les stratégies mobilisées par ces derniers pour affronter ces traumatismes en fonction de leur avenir. L’article de Couture et al. présente quatre types d’expérience des jeunes de la fugue et la convergence de leurs expériences concernant l’aspect relationnel et leur insatisfaction quant au contexte de placement. Enfin, l’article de Simard et al. est consacré aux besoins des mineurs hébergés dans un centre intégré universitaire de santé et services sociaux au Québec.
La dernière section de ce numéro s’intéresse à la singularité des expériences des jeunes, ce qui suppose de les inscrire dans leur contexte. Ainsi, l’article d’Esposito et al. montre la nécessité de tenir compte du contexte géographique et socioéconomique dans l’intervention en protection de la jeunesse au Québec, tout en soulevant des pistes de réflexion sur le lien entre intervention en protection de la jeunesse et pauvreté. Maameri et al. examinent la dimension contextuelle de l’intervention dans une analyse comparative entre la France et le Québec et sous le prisme de l’accès des jeunes et leur participation au système de protection. En plus du rôle des déterminants socioéconomiques dans l’intervention en protection de la jeunesse, ce numéro aborde en outre 9 les questions relatives à diversité culturelle et de genre. L’article de Jimenez témoigne en ce sens d’une lecture de la judiciarisation des jeunes dans le système de justice pénale selon leur trajectoire migratoire ou encore du processus et des écarts d’acculturation, entre ces jeunes et leurs parents, et les enjeux qui en découlent. Pullen Sansfaçon et al. proposent une réflexion autour du droit et des besoins des jeunes placés en protection de la jeunesse et la prise en compte des enjeux liés à la diversité sexuelle et de genre au Québec. Enfin, les deux derniers articles permettent de poursuivre les réflexions sur les enjeux et les modalités d’accessibilité à leurs droits, au sein d’un dispositif d’intervention, la justice restaurative (Filippi), ou de recherche (Faisca).
Acheter cet ouvrage
Papier
ISBN : 978-2-7606-4850-0
30,00 $ / 27,00 €