Études françaises, v. 61, no 1
L'art des brèches : Pratique des citations dans la Première Modernité (XVIe-XVIIIe siècles)
La citation n’est pas sans histoire. On sait, depuis les travaux fondateurs d’Antoine Compagnon, de Bernard Beugnot, de Marc Fumaroli et d’Ann Moss, que cette histoire, pour s’en tenir à la Première Modernité, coïncide à gros traits avec le passage d’une rhétorique de la citation explicite, tenue pour garante du vrai, à une rhétorique de la citation allusive, égrenée pour le plaisir du jeu et de la variété. Tels sont, de la distinction à l’allusion, des contours dont le XVII e siècle avait parfaitement conscience.
Derrière ces tendances, toutefois, se cache l’infinie possibilité des « arabesques » de l’écriture et des « polyphonies du texte », comme le formulait Bernard Beugnot (La mémoire du texte, 1994) appelant, au demeurant, à une étude des pratiques citationnelles spécifiques. C’est à cette ambition que ce dossier est consacré. Attentifs aux tensions qu’engage l’écriture placée sous le sceau de l’hétérogène — entre thésaurisation et création, acculturation et altérité, singularisation et universalisation —, les articles réunis ici explorent ce que fait la citation, que Jean-Pierre Camus associe magnifiquement à une « brèche », au sein des discours qui l’accueillent. Du XVIe au XVIIIe siècle, des traités rhétoriques modélisant un bon usage de la citation aux jeux romanesques de Diderot, l’on verra, au fil du parcours, que l’histoire de la littérature est aussi une histoire de l’application, renouvelant sans cesse sa propre mémoire à coup de virtuoses larcins.
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ISBN : 978-2-7606-5446-4
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